"Il a, parait il, existé un dinosaure qui mesurait plus de 30 m de long:
on peut raisonnablement penser qu'il ne s'entendait même pas péter ...
Étonnant, non ?"
in "La minute nécessaire de Monsieur Cyclopède"
souvent cité par Pierre Bouchard
Pris au premier degré c'est extrêmement drôle, comme toujours avec Pierre Desproges qui, comme philosophe dirais-je ordinaire, nous manque au moins autant que Coluche. Mais avec Desproges il y avait toujours d'autres degrés de compréhension, et, souvent même, chacun le sien. Je veux aujourd'hui vous livrer le mien.
Je ressens ce trait d'esprit comme la satyre satire d'une attitude d'un certain nombre de "scientifiques", courante depuis plusieurs dizaines d'années, plus particulièrement prégnante depuis environ une décade: l'abandon progressif de la très noble vulgarisation scientifique au profit de la communication hypermédiatique, qui suppose plus vitesse que rigueur. Ce qui est étonnant dans la phrase de Desproges, c'est le raccourci entre une observation ["un dinosaure de plus de 30 m de long"] et une conclusion hâtive ["il ne s'entendait même pas péter"], raccourci permis par une affirmation n'ayant absolument rien de scientifique ["on peut raisonnablement penser que ..."]. Est-ce bien la question que de savoir si les dinosaures s'entendaient péter?
Pourquoi cette hâte?: se faire un nom (pour la gloire et les facilités futures d'édition, donc de gain financier personnel), et/ou obtenir plus facilement des crédits de recherche en abusant les décideurs qui sont le plus souvent des béotiens dans la matière concernée par les révélations "médiatico-scientifiques" du moment. Chacun se souvient des bactéries "martiennes" isolées à partir d'une météorite découverte en zone arctique: l'erreur (pollution "terrienne") ne fut révélée qu'une fois les crédits débloqués pour des missions de recherche de la vie sur Mars. Dans la série "la vie vient de tel ou tel endroit de l'univers" de nombreux exemples pourraient être donnés.
D'autres domaines sont fertiles en assertions pseudo scientifiques; c'est le cas particulièrement de l'anthropo-archéologie, peut-être parce qu'il ne s'agit pas là de vraie science, expérimentale et, donc, réfutable. C'est dans la région du Grand Rift Est-Africain que l'on a mis au jour les restes de Lucy (pas dans le ciel comme certains inconditionnels des Beattles le croient encore: "Lucy in the sky ..." !!); et cela tombait bien: c'était là qu'on devait découvrir les fossiles des plus vieux ancêtres d'Homo sapiens sapiens selon la théorie vite présentée comme Vérité absolue (c'est nécessairement à l'est de la grande faille, dans la forêt devenue savane, que l'ancêtre de l'Homme s'était redressé). "On" l'a trouvée là parce qu'"on" n'avait pas cherché ailleurs; mais ceci "on" a oublié de le souligner !!! Et puis, Monsieur Brunet et ses collaborateurs tchadiens ont cherché au Tchad, soit très à l'ouest de la grande faille, et ils ont trouvé Toumaï, beaucoup plus ancien que Lucy, dont le codécouvreur français a mis beaucoup de temps à accepter la chose (sa gloire était remise en question), puis à se l'approprier partiellement: ouf! l'honneur était sauf; "on" pouvait prendre sa retraite et superviser des grosses productions télévisuelles dans lesquelles une génération d'humanoïdes accomplissait des progrès dont "on" nous avait pourtant assurés qu'ils n'avaient pu s'accomplir qu'en quelques millions d'années! Après tout, d'autres participent bien à des films dans lesquels les dinosaures ne cessent de rugir, grogner et hurler, y compris à l'approche de leurs proies, discrétion oblige. Si les reptiles actuels sont quasiment muets c'est sans doute parce que l'évolution est passée par là: "on peut raisonnablement penser que" le mutisme du prédateur fut un avantage évolutif; mais les reptiles herbivores actuels (tortues) sont aussi le plus souvent muets. De même, les reptiles semblent avoir perdu leurs magnifiques plaques colorées de rouge, bleu ou jaune qu'arboraient leurs ancêtres d'avant l'astéroïde [personnellement, je n'ai jamais vu les preuves archéologiques de ces magnifiques couleurs; et vous?).
Enfin, des sommets de rigueur sont atteints souvent par des archéologues qui se font filmer (manifestement en "direct live") pendant qu'ils découvrent, par exemple, un tesson de poterie: découverte, mise au jour, nettoyage, observation et conclusion, ceci ne prend que quelques minutes. Âge (approximatif bien entendu, mais les méthodes scientifiques le confirmeront bientôt, et le plus souvent elles le confirment), culture, sexe et âge de l'utilisateur, lieu de production et culture des producteurs, transport et commerce du matériel, sans oublier le rite religieux révélé par cette très extraordinaire découverte, tout arrive brutalement à nos yeux et à nos oreilles éberlués. Et cet objet va permettre de dater avec précision la strate géologique dans laquelle il est trouvé. A noter que si le chercheur est géologue, l'âge du terrain qu'il étudie (âge estimé par ses méthodes pétrologiques et géologiques), permettra ensuite de dater les objets qui y seront découverts par ses "collègues" archéologues: le serpent se mord la queue, façon élégante de revenir aux reptiles, et, donc, au dinosaure de Desproges. La citation est très drôle, je le répète (dire et redire, péter et répéter !!), mais la réflexion qu'elle suscite ne porte pas à l'optimisme face à une trop fréquente "pseudo science" qui se prive de rigueur et, pour tout dire, de conscience.
Quelque part sur la toile, il y a très très très .... longtemps, une représentation de l'évolution de l'Homme ....