Pour tout le monde, Alexander Flemming a découvert les antibiotiques (plus précisément la Pénicilline) en 1928. En fait, par hasard et suite à une probable erreur de manipulation (faute d'hygiène dans son laboratoire avant de partir en vacances !), il a découvert que certains "champignons" microscopiques (Actinomycètes en général, Pénicillium en particulier), qui avaient contaminé l'une de ses boîtes de culture, perturbaient la "pousse" des bactéries qu'il cultivait.
N'ajoutant pas une inconséquence à une faute, il parvint à la conclusion que le dit Actinomycète fabriquait et relarguait dans le milieu de culture une "toxine" s'attaquant aux bactéries. Puis (vers la fin des années 30), il obtint l'aide de 2 autres chercheurs (Florey et Chain qui obtinrent le Prix Nobel de Médecine en 1945 en compagnie de Flemming), puis d'industriels, pour développer sa "découverte", aide d'autant plus puissante à partir de 1941 que la 2° guerre mondiale posait de graves problèmes d'infection chez les militaires américains blessés.
Je ne sais pas si Sir Alexander Flemming, dans sa publication princeps, a cité les travaux de tous les auteurs qui avaient avant lui travaillé sur le même sujet: cela doit se faire, et se fait habituellement (même si le grand Einstein lui-même "oublia" de citer Henri Poincaré, mathématicien et philosophe français, qui lui avait ouvert les portes pour sa théorie de la relativité).
En effet, d'autres chercheurs avaient travaillé à la fin du 19° siècle sur des moyens de détruire les bactéries; Et je ne veux pas tant parler de Paul Ehrlich qui est resté bloqué sur les colorants, que d'Ernest Duchesne (1874 - 1912) qui le premier mit en évidence le rôle négatif de moisissures dans la croissance de cultures de bactéries. Sa thèse pour l'obtention du grade de Docteur en Médecine, soutenue en 1897, était intitulée : "Contribution à l’étude de la concurrence vitale chez les micro-organismes : antagonisme entre les moisissures et les microbes". Et le dernier paragraphe de cette thèse est on ne peut plus clair: "On peut donc espérer qu'en poursuivant l'étude des faits de concurrence biologique entre moisissures et microbes, étude seulement ébauchée par nous et à laquelle nous n'avons d'autre prétention que d'avoir apporté ici une très modeste contribution, on arrivera, peut-être, à la découverte d'autres faits directement utiles et applicables à l'hygiène prophylactique et à la thérapeutique."
Mais Ernest Duchesne est tombé dans l'oubli. Pourquoi? Est-ce parce qu'il était français comme Poincaré? Est-ce parce que, toujours comme Poincaré, il n'alla pas jusqu'au bout de l'idée (il ne le pût pas)? Est-ce parce qu'il était militaire? Je l'ignore; Mais j'avais très envie de participer à réparer cette injustice: je fus moi-même Médecin Militaire. Et par ailleurs, la télévision publique française (en l'occurrence France 5) vient de diffuser un documentaire en plusieurs volets sur "les antibiotiques" en oubliant, sauf erreur de ma part, d'évoquer le rôle d'Ernest Duchesne.
Mais il est juste de signaler que tout le monde n'a pas oublié ce rôle: la bien connue encyclopédie en ligne "Wikipédia" le relate, et la Faculté de Médecine de Lyon a mis sa thèse en ligne. D'autre part, la version "papier" de cette thèse est, bien entendu, conservée à la bibliothèque de l'Ecole du Service de Santé des Armées de Lyon-Bron, nom actuel de l'école qui connut Duchesne. [Voir les liens ci-dessous]
Au moment où le Prix Nobel de Médecine 2008 récompense enfin des Français (Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier), on ne peut s'empêcher de penser qu'Ernest Duchesne aurait pu connaître la même gloire.
http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9nicilline
la thèse de Duchesne sur le site de l'UFR de médecine de Lyon-sud
Ecole du Service de Santé Militaire de Lyon
biblio@essa-bron.org